1748-09-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Georg Conrad Walther.

Je vous envoye des pièces curieuses que j'ay recouvrées, et qui feront valoir votre édition.
Il faut les mettre dans le 8ème tome, ouà la fin du troisième. Je vous conseille de les placer à la fin du troisième, parce que la tragédie de Semiramis avec Le discours qui la précède suffira pour compléter le tome huitième.

Vous aurez incessamment cette tragédie de Semiramis qu'on joue depuis un mois à Paris avec un très grand succez. Votre intérest doit être d'en tirer des exemplaires à part avant de faire paraître L'édition totale. Vous en vendrez considérablement. Il y aura un petit avertissement dans le quel on annoncera les huit tomes et on désavouera touttes les autres éditions antérieures. Comptez que vous me remercirez du bien que je vous fais, et de la manière dont je conduis vos intérêts.

Si vous vous pressez, vous gâtez tout; vous me déshonorez et vous vous ruinez. Jugez en par l'errata des trois premiers Volumes que je vous envoye, et voyez si une telle entreprise ne demande pas la plus grande attention.

Gardez vous bien d'un tome neuvième. Vous vous perdriez.

Je n'ay point reçu la fin du tome 7 et la partie du tome huit, que vous dites avoir envoyé à M. de la Reiniere, intendant général des postes de France à Paris.

Vous mettez sur vos envois papiers imprimez et cela fait une très grande difficulté en France.

Il faut m'envoyer par la poste ce paquet contenant la fin du tome 7 et partie du 8 sous l'enveloppe de mr Alliot, conseiller aulique de sa majesté Le roy Stanislas, Duc de Lorraine, à Lunéville en Lorraine.

Mr des Mollars a bientôt achevé la préface historique. Comptez sur moy et vous vous en trouverez bien.

Voltaire

M. le prince Jablonousky vous fera remettre ce paquet si tôt qu'il sera arrivé à Dresde.

Envoyez moy par Francfort, Strasbourg et Lunéville, un exemplaire complet par les carosses de voiture, et sans mettre sur le paquet que ce sont des livres, mais en mettant seulement papiers. Adressez les à mr Allyot, conseiller aulique etc. à Lunéville en Lorraine.

Ne manquez pas de m'envoyer à la même adresse de m. Alliot, le tome 7 et 8 qui me manquent pour achever l'errata.

Je vous répète que si vous étiez assez imprudent pour publier votre édition incomplette, je serois obligé de la décrier, j'en ferois faire une autre sur le champ, et vous seriez ruiné. Prenez y garde, et méritez tout ce que je fais pour vous.