à Lunéville ce 19 novembre 1748
On m'a envoyé enfin monsieur la fin du tome huitième et la préface de Mr Marmontel qui est à la tête de la Henriade.
Mais je n'ay point reçu la préface qui doit être mise au devant de l'édition, et qu'on vous envoya il y a près d'un an. Je vous prie de la mettre dans le paquet adressé à Mr Allyot, conseiller aulique à Lunéville en Lorraine. Il attend cet envoy.
J'ay vu une lettre que vous écrivez à un homme à moy par la quelle vous luy mandez que vous voulez m'envoyer un service de porcelaine de Saxe. Je suis très reconnaissant d'une pareille attention et je vous en fais des remerciemens très sincères. Je vois que vous n'avez pas les sentiments d'un libraire hollandais, et votre procédé renouvelle encor l'envie que j'ay de vous être utile. Je vous destine l'histoire de la guerre présente que j'auray achevée dans quelques mois. Mais en même temps je vous déclare que je ne veux pas absolument que vous fassiez pour moy la dépense d'un service de porcelaine. Je vous prie très sérieusement de ne me le pas envoyer. Je recevray avec plaisir quelques exemplaires de votre édition. C'est bien assez, et si vous m'envoyez autre chose je vous avertis que je vous renverray votre présent. Vous avez fait assez de dépense pour votre édition. Encor une fois des exemplaires sont tout ce qu'il me faut et tout ce que je veux.
Je vous ay écrit par la voye de M. l'ambassadeur de France. Je vous confirme tout ce qui est dans cette lettre, et je vous prie d'ajouter au huitième tome les petites pièces que je vous ay fait tenir. Je suppose que vous avez fait faire un errata des tome sept et huit. Je n'ay pu y travailler moy même par ce que je n'avois pas encor ces volumes complets.
Vous aurez Semiramis certainement mais je ne peux vous dire dans quel temps.
Je me flatte que vous pourez faire un jour une édition plus complette et plus correcte et je vous y aideray de tout mon pouvoir, mais comme la vôtre avec touttes ses fautes est assurément la meilleure, ou plutôt la seule bonne que nous ayons, je vous conseille et je vous prie de l'annoncer dans tous les journaux comme la seule édition fidèle qui soit en Europe de tous mes ouvrages, et la seule que j'aprouve.
Tout à vous de tout mon cœur,
Voltaire