1763-12-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Je croiais que vous aviez des Tolérances, mon très cher frère.
Un jeune Mr Turretin de Genêve, s'est chargé d'un paquet pour vous; il est digne de voir les frères, quoi qu'il soit petit fils d'un célèbre prêtre de Baal. Il est réservé, mais décidé, ainsi que sont la pluspart des genevois. Calvin commence dans nos cantons à n'avoir pas plus de crédit que le Pape; le bon grain lêve de tous côtés, malgré l'abominable yvroie qui couvre nos campagnes depuis si longtemps.

Vous avez sans doute vu la petite Lettre du Quakre. Je connaissais, depuis longtemps, le Livre attribué a st Evremont. Ce n'est pas assurément son stile; et st Evremont, d'ailleurs, n'était pas assez savant pour composer un tel ouvrage. Il est de Dumarsay, mais il est fort tronqué, et détestablement imprimé. Quand trouvera t’-on quelque bonne âme qui donne une jolie Edition du Mêlier, du Sermon, et du catéchisme de l'honnête homme? Ne pourait-on pas en faire tenir, sans se compromettre, au bon Merlin? Je ne voudrais pas qu'un de nos frères hazardât la moindre chose; mais quand on peut servir son prochain sans risque, on est coupable devant Dieu de se tenir les bras croisez.

Il doit vous arriver une tolérance par une autre voie que celle que je prends pour vous écrire. Je suis zèlé, mais j'aime à prendre quelques petites précautions, afin de ne point donner d'ombrage à la poste par de trop gros paquets, portant le timbre de Genêve. On dit que toutes les affaires financières et parlementaires vont s'aranger. Dieu soit béni! Et vive Le Roy et Pompignan!

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