1763-12-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Vous devez, à présent, mon cher frère, avoir reçu quelques tolérances.
Il est vrai qu'elles ont été bien reçues des personnes principales à qui les premiers éxemplaires ont été adressés dans le temps que mr Turretin était chargé de vôtre paquet. Je crois même vous l'avoir déjà dit; mais il faudra bien du temps pour que ce grain lêve, et ne soit pas étouffé par L'yvroie.

Vous savez sans doute que le livre attribué à st Evremont est de Dumarsai, l'un des meilleurs enciclopédistes. Il est bien à désirer qu'on en fasse une édition nouvelle plus correcte. Je n'aime point le tître, par permission de Jean etca. L'ouvrage est sérieux et sage; il ne lui faut pas un tître comique.

Je vous suplie de vouloir bien m'envoier encor un éxemplaire, car j'ai marginé tout le mien suivant ma louable coutume.

Un Libraire de Rouen, nommé Besogne, m'a bien la mine d'avoir imprimé cet ouvrage. Si on le lui renvoiait corrigé, il pourait en faire une édition plus suportable.

Je reçois éxactement ce qu'on m'envoie de Paris mais je crois m'apercevoir que le timbre de Genêve n'est pas toujours respecté chez vous. Les livres vous arrivent très difficilement par la poste, à moins qu'ils ne parviennent sous l'adresse des ministres, et c'est une liberté qu'on ne peut prendre que très rarement.

Vous avez dû recevoir, mon cher frère, un petit paquet pour amuser frère Thiriot.

Vous ai-je mandé que j'avais été fort content de Warvick, et que je conçois de grandes espérances de son auteur?

Ne pouriez vous point, mon cher frère, charger Merlin, de me faire avoir le droit ecclésiastique, composé par mr du Bouchet d'Argis? On dit que c'est un fort bon livre, et qu'il y a beaucoup à profiter.

La nouvelle déclaration du roy, que vous avez eu la bonté de m'envoier, doit faire renaître la confiance, et rendre le roy et le ministère plus chers à la nation; il est évident que le roy ne veut que ce qui est juste et raisonnable; il veut payer les dettes de l'état, et soulager le peuple. J'ose espérer que cette déclaration donnera du crédit aux éffets publics.

Mon cher frère, recevez mes tendres embrassements, et embrassez pour moi les frères.

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