à Paris fauxb. st Honoré 31 aoust [1744]
Monsieur,
En arrivant à Paris j'allay d'abord chez vous pour vous faire ma cour; je m'y suis présenté depuis pour vous demander justice au nom du sens comun contre les ouvrages impertinents dont cette pauvre ville est inondée.
Entre autres il y en a un aussi insolent que ridicule, et qui ne seroit digne que du plus profond mépris, s'il n'étoit digne de punition. C'est une prétendue ode imprimée sous mon nom. J'ay l'honneur de vous envoyer cy joint l'exemplaire que j'ay acheté aujourduy à onze heures du matin au caffé de Foix du nommé Nicolas, en présence de son maître. Ce Nicolas est en garçon du caffé. Il tient ses exemplaires de la nommée Bienvenu: vendeuse de sottises imprimées qui étale dans le palais royal au dessous du caffé de Foix. J'ay parlé à la Bienvenu qui paroît savoir d'où partent ces brochures. Elle en reçut vingt cinq samedy dernier. Je vous suplie monsieur de vouloir bien avoir la bonté d'interroger Bienvenu et Nicolas. Je n'ay point trouvé cet imprimé chez les autres libraires où j'ay été. Je suis persuadé monsieur que la Bienvenu vous mettra au fait. Je vous auray une nouvelle obligation de la justice que je vous demande instamment. Je suis avec l'attachement le plus respectueux et le plus inviolable
monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire