aux Délices, 20 august [1762]
Pour répondre monsieur à votre lettre du 14 aoust dont je vous suis très obligé, je vous dirai que Monsieur le duc de Grafton qui était dans mon voisinage, il y a quelque temps, me montra dans le st James-cronicle du 17 juillet, n. 211, une prétendue lettre de moy tirée aparemment des archives de Grub-street, ou des charniers St Innocent.
Il fallut tout mon respect et toutte ma reconnaissance pour m'engager à désavouer dans les papiers anglais cette rapsodie impertinente. Les honnêtes gens éclairez savent bien à quoy s'en tenir sur ces sottises dont on est inondé et dont on est las.
Au reste monsieur vous ferez fort bien, et je vous remercierai de faire imprimer dans votre journal la critique allemande de l'histoire de Pierre le grand. Ce qu'il y aura de vrai et de judicieux dans cette critique servira pour le second volume. Je peux fort bien m'être trompé quoyque j'aye suivi aussi exactement que j'ay pu les mémoires qu'on m'avait envoyez de Petersbourg.
Il y avait une lourde méprise dans le manuscrit concernant la relligion. On avait pris le patriarche Nicolas pour le patriarche Photius qui vivait cent ans auparavant. Cette erreur a été corrigée dans un grand nombre d'exemplaires. On avait mis aussi en un autre endroit Apraxin pour Nariskin. D'ailleurs si on conteste les faits c'est aux archives de Petersbourg à répondre pour moy.
L'histoire de Charles 12 a essuiée plus de critiques. Ces critiques ont passé, et l'histoire est demeurée. J'ai l'honneur d'être avec des sentiments d'estime inaltérables, monsieur, votre très humble et très obéissant [serviteur]
Voltaire