aux Délices 13 may [1758] route de Geneve
Monsieur,
Un officier de S. A. R. m'apprend qu'un nommé mr Marchand qui demeure dit on à la Haye, fait une histoire des gens de lettres vivants, qu'il débite des calomnies contre moy dans cette histoire, et que vous daignez en être l'éditeur.
Je ne puis le croire. Je compte trop sur votre probité, et je suis persuadé au contraire que loin de vous préter à cette entreprise si au dessous de vous, vos sages conseils empécheront l'auteur de se déshonorer par ces viles impostures qui sont aujourdui si méprisées, et lues àpeine par les laquais dans les antichambres. On dit que cet auteur est capable de faire mieux, et que vous êtes plus à portée que personne de L'empêcher de mal faire. Il serait triste pour moy d'être obligé de perdre mon temps et mon repos à réfuter des impostures littéraires et je me flatte que je n'aurai que des grâces à vous rendre.
J'ay l'honneur d'être monsieur avec tous les sentiments que je vous dois
Votre très humble et très obéissant servt
Voltaire gentilhome orde du Roy très crétien; ancien chambélan du roy de Prusse