26 septembre 1777
Votre lettre, mon cher confrère, me console de tous les maux que mes quatre-vingt-trois ans me font souffrir.
Je commence par répondre à l'article qui vous regarde, parce que c'est celui qui m'intéresse le plus. Je ne sais pas quel est l'homme ou très méchant ou très malavisé, qui a pu consigner un si sot mensonge dans un livre qui est regardé comme une partie des archives de la nation. Ce n'est pas assez de l'avoir réfuté dans un journal bientôt effacé par les journaux suivants. Il serait juste et nécessaire que le coupable se rétractât dans le livre même où il a inséré cette calomnie. Elle fut inventée par Fréron major, et sera répétée par Fréron minor. J'ai un chien gros comme un mulet, qu'on appelle Fr…, parce qu'il aboie toujours. Je ferai dévorer Fr… minor par mon chien, s'il ose jamais répéter l'impertinence imprimée dans le gros livre du père Le Long.
Ces prétendues anecdotes sont la ressource de la canaille de la littérature, qui veut briller dans le mercure galant. Il court actuellement, parmi les pédants d'Allemagne, une calomnie aussi affreuse qu'absurde, sur m. de la Harpe, que ses ennemis ont envoyée à tous les princes qu'ils fournissent de nouvelles. Il y a dans Paris plus de cent bureaux de mensonges littéraires et politiques. Ils seront recueillis un jour par quelque savant en us, qui se croira dépositaire de tous les secrets de la cour de Louis XVI.
Je vous sais bien bon gré, mon cher confrère, de regretter m. de Trudaine; c'était le seul homme d'état dans Paris sur qui je pouvais compter. Nous avons fait tous deux une grande perte. Je me prépare à l'aller retrouver. L'Agathocle dont vous a parlé m. d'Argental, est une témérité qui n'est pas faite pour être publique. J'ai un théâtre à Ferney, et je me suis amusé à faire jouer cette rapsodie, uniquement pour quelques amis. Il faudrait travailler deux ans pour mettre cette pièce en état d'être sifflée à Paris. Je n'en aurai assurément ni le temps ni la force. Si je faisais encore des vers, je voudrais en faire de pareils à:
Adieu, mon très cher confrère.
Volt.