1776-02-20, de Jean Baptiste Claude Delisle de Sales à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

L'Anacréon de Franconville m'a lu la lettre que lui a écrite l'Homere de Ferney sur l'odieuse persécution que je subis: j'en ai reconnu le cœur et la plume de l'apôtre sublime de La Tolérance.

Je bénis le fanatisme qui m'opprime, puisqu'il me procure un exil chez le Comte de Tressan et des lettres touchantes de monsieur de Voltaire.

Je soupçonne, monsieur, qu'on a dû vous envoyer sous un contreseing une lettre de l'inquisiteur de Goa qui vous mettra au fait de cette affaire digne de servir de suite à l'histoire des Calas et des La Barre, si la rage des Anitus n'étoit pas réprimée sans bruit par les sages qui sont au ministère.

L'auteur de cet ouvrage fait et imprimé dans les pays étrangers n'ayant pas été à portée de connoitre aussi bien que moy toutes les circonstances de ce ridicule orage, je crois remplir vos vues en vous envoyant le supplément cy joint qui l'éclaircit et le rectifie.

Vous me cités Pythagore: daignés, monsieur, l'être pour moy par vos conseils — et en cela j'honore Pythagore qui n'a été que le législateur d'une partie de l'Asie, tandis que vous serés à jamais celui de la race humaine, du moins tant qu'on y honorera le génie et la vertu.

Daignés agréer le profond respect et la vive reconnoissance de

Votre très humble et trés obéïssant serviteur

de L'Isle de Sales

Oserois je vous prier d'insérer la réponse dont vous m'honorerés dans une seconde enveloppe à mr le Comte de Tressan.