1776-03-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Élisabeth de La Vergne, comte de Tressan.

L'apôtre prétendu de la tolérance, pourrait bien en être le martyr.
Il sait très bien que la cabale du fanatisme e[s]t plus animée et plus dangereuse que la cabale contre m. Turgot.

Le vieil apôtre est obligé dans le moment présent d'aller faire un petit voyage en Allemagne pour des affaires indispensables; mais en quelque endroit qu'il soit, il prendra un intérêt bien vif à monsieur Delisle auquel il conseille de ne jamais exposer sa personne. L'effervescence est trop violente. On n'est que trop bien informé des résolutions prises par des assassins en robe noire, les uns tondus, les autres en bonnet carré. Tout cela est affreux mais très digne d'une nation qui n'a encore assassiné que trois de ses rois, qui n'a fait qu'une grande st e Barthelemi, mais qui en a fait mille petites en détail. Les ministres, tout sages et tout éclairés qu'ils sont, ne pourraient s'opposer aux barbaries que les persécuteurs méditent.

On embrasse tendrement le seigneur de Franconville.