1757-01-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha.

Madame,

J'ay l'honneur d'envoier à votre altesse sérénissime la meilleure relation que j'aye reçüe [de l'attentat] commis contre la personne de [Louis 15. On ne] s'attendait pas à voir reparaitre [des] Ravaillacs.
Celuy cy n'est apparemment qu'un bâtard de la maison de Ravaillac, qui s'est imaginé pouvoir tuer un roy avec un petit canif à tailler des plumes. Ce qu'il y a de vraiment déplorable dans cette avanture, c'est que ce malheureux n'a été poussé à un tel crime que pour avoir entendu des discours atroces qui ont fait germer [dans son c]œur la résolution du parricide. Pierre Damien n'était qu'un vil fanatique de la populace, comme l'ont été les assassins des princes d'Orange, du grand Roy Henri 4, et tant d'autres. Son crime n'a été que le fruit de quelques discours séditieux et emportez sans but et sans dessein. Du moins on n'a pas jusqu'à présent découvert la moindre apparence de complot. C'est un chien qui a gagné la rage de quelques chiens convulsionaires et jansénistes qui aboyaient au hazard. Les jésuittes triomphent de voir les rois assassinez par d'autres que par eux et par les jacobins. C'est à présent le tour des jansénistes. Que d'horreurs madame! et que le meilleur des mondes possibles est affreux!

Quatre cent mille soldats vont donc inonder le nord de l'Allemagne. Il faudra toutte la prudence de votre Altesse se pour que le contrecoup d'un choc si terrible [ne se fasse pa]s sentir jusques dans vos états. Vous êtes au milieu des parties belligérantes. Puissiez vous leur inspirer l'esprit de paix et de justice qui anime votre cœur. Je fais du fonds de ma retraitte mille vœux pour toutte votre auguste maison, et pour votre Altesse se qui connaît mon profond respect et mon tendre attachement.

V.