à Berlin le 26 septembre 1752
Je suis parti de Paris, Madame, sans avoir l'honneur de prendre congé de vous; et j'espère que vous me le pardonerés.
Mes peines étoient si vives et si sincères qu'il me fut impossible de me distraire un seul moment. Je ne vous aurois parlé que de ma douleur, et je pensois que par l'intérêt même que vous daignés prendre à moi je devois vous épargner le chagrin de lire une si triste Elégie. Je tâche aujourd'hui de réparer ma faute en vous envoyant la lettre cyjointe de M. de Voltaire. Elle vous amusera par le charme inséparable de tout ce qu'il écrit, et vous serés plus instruite de ce qui le regarde que je ne le suis après avoir passé deux jours avec lui. Je ne l'ai vû qu'en la compagnie de gens devant qui il n'auroit pû me parler fort naturellement de sa situation. Si les bontés de son Maitre ne lui tiennent pas lieu de tout, il me paroit fort à plaindre, car en vérité, hors le Maitre, ce pays cy ne peut pas retenir quelqu'un qui a connu la bonne compagnie du pays où vous êtes. M. de Maupertuis se meurt de la poitrine. Il prend le lait d'ânesse qui commence cependant à lui faire quelque bien; il se flatte de regagner assés ses forces pour entreprendre un voyage en France et pour y passer l'hyver. Celuy de Berlin le tuera infailliblemt s'il y reste….