Je ne suis point du tout de l'avis Monsieur que vous changiés ni ajoutiés rien à votre épître.
Je la trouve on ne peut mieux comme elle est, ainsy tenez moy parolle je vous prie. Je n'imagine pas que l'on puisse critiquer la permission que le roy vous a donné à moins que vous n'ayez dit qu'il avoit vû l'épître. D'ailleurs quand on le sçauroit toutes les personnes à qui ont dédie des ouvrages sçavent bien qu'on leur donnera des louänges, ainsy toutes les critiques auroient commencé depuis qu'il y a des épîtres. Je pense mesme que ce que vous voulez ajouter ceroit plus propre à faire remarquer que le roy a donné sa permission avec connoissance de cause que sy tout bonnement vous laissés les choses comme elles sont. Vous en sçavez plus que moy. Cependant je crois que ma refflexion est juste. Vous connoissés ma vérité, je vais en faire preuve. Je ne sçais pourquoy on ce déchaisne contre votre poëme. C'est une chose qui me paroît la plus injuste du monde. Cela ne doit vous affliger en aucune façon. C'est le sort des grands hommes d'estre envié.
Je vous fait mes remerciements de ce que vous m'avez envoyé. Je ne m'y connois pas mais j'ay trouvé mr Guerin bien mauvais, l'abbé de Cataignan au dessous de ce qu'il fait ordinairement. Mr Roy m'a envoyé son discours. Ce tokai est vraiment fort bon mais je n'en bois plus. Je suis dans un régime tout contraire, c'est le lait d'ânesse que je prends. J'avois mal à la poitrine et l'on me l'a ordonné.
Je ne veux en aucune façon vous faire de tracasserie. Ainsy je ne donneray plus vos vers. Je ne suis pas assez vaine pour rien disputer à la maîtresse de Champs. Iln'y a qu'un temple de l'amour et assurément elle est bien faite pour y donner la loy.
Distes beaucoup de choses de ma part à Mr de Lavaliere. Je comte le voir à la fin de l'automne. Maman va bien doucement, elle vous faits milles compliments ainsy que mon grand oncle. Je ne vous parle point de moy, vous connoissés ma façon de penser, elle est telle que vous la méritez et c'est tout dire.
à Etioles ce 10 juin 1745