1775-12-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à abbé — Belloney.

L'ode que vous avez bien voulu m'envoyer, monsieur, contient autant de vérités que de vers; j'entends de ces pensées morales et philosophiques; car pour les choses flatteuses qui me regardent, ce ne sont que des politesses dictées par l'indulgence. Vous m'envoyez la lyre d'Amphion, dont j'avais très grand besoin pour bâtir, avec quelques uns de mes amis une petite ville assez jolie que je construis dans ma retraite et que le gouvernement daigne protéger.

Je ne renonce pas aux bonnes digestions et au sommeil que vous me conseillez; ce sont deux excellentes choses, mais elles ne dépendent pas de nous. Il est en notre pouvoir de défricher des campagnes incultes et de bâtir des maisons dans des déserts, mais ne dort pas qui veut. Je suis persuadé, monsieur, que votre goût et vos talents ne vous permettent guère de dormir. Ce qui est très sûr c'est que vos vers n'endormiront jamais personne.