A Ferney, par Lyon, 21e janvier 1775
Il semble, monsieur, qu'en adoucissant les maux de ma vieillesse, et en consolant ma solitude par la lecture de vos agréables ouvrages, vous ayez voulu me priver du plaisir de vous en remercier.
Vous ne m'avez point donné votre adresse. Il y a plusieurs personnes à Paris qui portent votre nom, quoiqu'il n'y ait que vous qui le rendiez célèbre.
Je hasarde mes remerciements chez votre libraire. Il a imprimé peu de mémoires aussi bien faits. Ceux pour la Rosière sont les premiers, je crois, qui aient introduit les grâces dans l'éloquence du barreau. Celui de Delpech me semble disputer les probabilités avec beaucoup de vraisemblance; car les hommes ne peuvent juger que par les probabilités. La certitude n'est guère faite pour eux; et voilà pourquoi j'ai toujours pensé que notre code criminel est aussi absurde que barbare. Il n'y a guère de tribunal en France qui n'ait rendu des jugements affreux et iniques, pour avoir mal raisonné, plutôt que pour avoir eu l'intention de condamner l'innocence.
J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime et la reconnaissance que je vous dois, monsieur,
Votre très humble & très obéissant serviteur
de Voltaire