1775-07-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à C. N. Dodin.

Je ne puis trop vous remercier, monsieur, du mémoire intéressant et plein d'une éloquence solide que vous avez bien voulu m'envoyer.
Je présume que mr Mazière, à la seule lecture de votre mémoire, s'empressera de donner généreusement un dédommagement convenable à votre client.

Mr de Servant, avocat général de Grenoble, a démontré dans une grande cause que la loi naturelle crie dans tous les cœurs, Tu es homme, répare le mal que tu as fait à un homme. L'erreur ne dispense point de cette loi. Parce qu'un homme s'est trompé un autre en doit il souffrir?

Mr Maziere doit payer votre client et l'embrasser.

Je crois d'ailleurs, monsieur, que vous rendez un vrai service à la nation en vous élevant contre le secret des procédures. Vous savez que tous les procès s'instruisaient publiquement chez les Romains, nos premiers législateurs. Cette noble jurisprudence est en usage en Angleterre.

Le secret en matière criminelle n'a été reçu en France que par une méprise. On s'imagina en lisant le Code à l'article de Testibus, que Testes intrari judicii secretum signifiait, les témoins doivent déposer secrètement; et ils signifient, les témoins doivent entrer dans le cabinet du juge. Un solécisme a établi cette cruelle partie de notre jurisprudence, dans laquelle il y a tant de choses à réformer.

Je me flatte que vous serez un jour la gloire du barreau, et que vous contribuerez plus que personne à cette réforme tant désirée.

J'ai l'honneur d'être, avec toute l'estime que vous inspirez, monsieur, votre très….