à Ferney 19^e 8^bre 1774

Madame,

Mon impertinence ne fatigue pas aujourd'hui Vôtre Majesté Impériale pour la large face du Livonien Rose, ni pour celle de L'avocat Dumesnil qui voulait vous aider à faire des loix par le conseil de son Parain.
Il s'agit aujourd'hui d'un jeune gentilhomme, bon géomêtre, bon ingénieur, aiant des mœurs et du courage. Il se nomme De Murnan. Sa famille est de la province où je suis. Il est fortement recommandé à M^r Euler que vous honorez de vôtre protection. Tous ses maîtres rendent de lui le témoignage le plus avantageux.

Vôtre Majesté ne doit point être surprise qu'il désire passionément d'entrer à vôtre service. Tout ce qui doit affliger ce jeune officier c'est que vous aiez sitôt accordé la paix au sultan, car il aurait bien voulu lever le plan de Constantinople et contrecarer le chevalier Du Tott.

Il ne m'apartient pas d'oser vous présenter personne, mais enfin Vôtre Majesté ne peut m'empêcher d'être très jaloux de tous ceux qui ont vingt cinq ans, qui peuvent aller sur la Néva et sur le Bosphore, qui peuvent vous servir de la tête et de la main, et qui seront prédestinés, si par hazard ils sont tués à vôtre service. Il est bien dur de vivre au coin de son feu en pareil cas.

Je me mets tristement aux pieds de Vôtre Majesté Impériale, comme un vieux Suisse inutile.

Pardonnez à toutes les témérités du vieux malade de Ferney.

V.