A Ferney 7 mai 1774
Madame,
Je suis un téméraire, je demande une grâce à Vôtre majesté impériale.
Ce n’est pas pour un Turc, ce n’est pas pour un canonnier welche au service de la sublime porte, ce n’est pas pour un des gueux qui suivent Pugatschew, ni pour un prêtre ultramontain, ni pour un petit-maître welche, c’est, madame, pour un de vos sujets qui est venu dans mon petit établissement de Ferney passer quatre mois. Il a employé ces quatre mois à apprendre le français, et dès qu’il l’a su, il m’est venu dire: Je suis Livonien, marchand de profession, tolérant de religion. J’ai essuyé des pertes, dans mon commerce; je dois de l’argent et on m’en doit. Je voudrais obtenir un sauf-conduit de sa majesté impériale pour deux ans, comment faut il s’y prendre?
Je lui ai répondu: Il faut que vous présentiez un placet très court et très net à sa majesté bienfaisante, conçu en ces termes:
Michel Rose, natif de Riga, supplie très humblement sa majesté impériale de daigner ordonner qu’il lui soit envoyé un sauf-conduit à Lubek chez messieurs Gansplan, banquiers.
Aussitôt je l’ai fait partir pour Lubek, où je voudrais bien aller avec lui, attendu que Lubek est sur le chemin de Pétersbourg, mais je suis condamné à mourir à Ferney en faisant des vœux pour que les Turcs soient bien battus, pour que les canons de mr le baron de Tott crèvent et pour que mr Pugatschew soit incessamment pendu.
Je me traîne aux pieds de votre majesté comme je peux avec tout le respect, tout l’attachement, toute la reconnaissance, tous les sentiments possibles.
Le vieux malade de Ferney V.