ce 7 [18 n. s.] Janvier 1774
Monsieur, Le Philosophe Diderot dont la santé est encore chancellante, restera avec nous jusqu’au mois de févreïer qu’il retournera dans sa patrie.
Grimm pense aussi de partir vers ce tems là. Je les vois très souvent et nos conversations ne finissent pas. Ils pourront Vous dire Monsieur le cas que je fait de Henry quatre et de l’auteur de la Henryade et de tant d’autres écrits dont Vous avés illustré notre siècle. Je ne sais si ils s’ennuyent beaucoup à Petersbourg mais pour moi je leurs parlerai toute ma vie sans m’en lasser. Je trouve à Diderot une imagination intarrissable, et le range parmi les homes les plus extraordinaires qui ayent existé. S’il n’aime pas Moustapha come Vous me le mandé au moins suis je sûre qu’il ne lui veut point de mal, sa bonté de cœur ne le lui permettroit pas, malgré l’énergie de son esprit et le penchant que je lui vois de faire baisser la balance de mon côté. Hé bien Monsieur! il faut ce consoler de ce que le projet de Votre croisade a échoué en supposant que Vous avés eu à faire à des bones âmes aux quelles cependant il ne faudra pas accorder l’énergie de Diderot.
Come chef de l’Eglise grecque je ne puis Vous voir dans l’erreur sans Vous reprendre en bone fois. Vous auriés voulu voir la grande Duchesse rebatise dans l’Eglise de St: Sophie. Rebatisé dites Vous! Ah Monsieur! l’Eglise grecque ne rebatise point, elle regarde come authentique tout batême administré dans les autres Comunion Chrétienes. La grande Duchesse, après avoir prononcé en langue Russe sa profession Ortodoxe, a été reçuë dans le sein de l’Eglise grecque au moyen de quelque signe de croix d’huile Odoriférente qu’on lui a administré en grande Cérémonie, ce qui chés nous tout come chés Vous ce nome confirmation, àpropos de quoi on impose un nom. Sur ce point nous somes plus chiche que Vous qui en donné par douzaine, tandis qu’ici chaqu’un n’en a pas plus qu’il ne lui en faut, cet à dire, un seul. Vous ayant mise au fait de ce point important je continuë à répondre à Votre lettre du 19bre. Vous saurés àprésent Monsieur qu’un corps détaché de mon armé ayant passé le Danube au mois d’Octobre batit un Corps turk très considérable et fit prisonier un Bacha à trois queux qui le comandoit. Cet événement auroit pu avoir des suites, mais le fait est (chose dont Vous ne serés pas content peut être) qu’il n’i en eut pas, et que Moustapha et moi, nous nous trouvons à peu près dans la situation où nous étions il y a six mois, à cela près qu’il est attaqué d’un Ahsme et que je n’en ai pas. Il ce peut que ce Sultan est un esprit supérieur, mais il n’en est pas moins battu pour cela depuis cinq ans, malgré les conseils de Mr de St: Priest et les instructions du Chevalier Thott qui ce tuera à fondre du Canons, à exercer des Canoniers, sera revêtu de Caffetans d’Hermines sans que pour cela l’Artellerie Turque en deviene meilleure et mieux desservie. Tout cela sont des enfançes aux quelle l’on done beaucoup plus d’importance qu’elle ne mérite. Je ne sais où j’ai luë que ce tour d’esprit est naturel aux Welches. Adieu Monsieur, porté Vous bien et soyés assuré que persone ne fait plus de cas de Votre amitié que moi.