1773-09-22, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur, Je m’envais satisfaire au demandes que Vous ne m’avés point fait, mais que Vous m’indiqués par Votre lettre du 10 Auguste.
Je répondrai aussi à celle du 12 de ce mois que j’ai reçuë en même tems. Cela Vous annonce une dépêche longue à faire bâiller, en réponse à Vos charmantes mais très courte lettres. Jettés la mienne au feu si Vous voulés, mais souvenés Vous que l’ennuy est de mon métier, puisqu’ordinairement il ce trouve à la suite des Roys. Pour le raccourcir cette fois j’entre en matière. Monsieur de Roumenzof au lieu d’établir son foyer dans l’Atmeidan de Stanboul selon Vos souhaits, a jugé à propos de rebrousser chemin, parce dit-il, qu’il n’a pas trouvé à diner aux environs de Silistria, et que la marmite du Visir étoit encore à Schiumla. Cela ce peut, mais il devoit prévoir au moins qu’il pouvoit diner sans compter sur son hôte. Je range ce fait parmi les fautes d’Ortographie, et je m’en console par la conversation satisfaisante de Madame la Landgrave de Darmstadt qui est doué d’une âme forte et mâle, d’un aspect élevé et cultivé. La quatrième de ses filles va épouser mon fils. La Cérémonie des noçes est fixée au 29 septembre. Come chef de l’Eglise grecque je ne puis Vous laisser ignorer la conversion de cette Princesse opérée par les soins, le zèle et la persuasion de l’Evêque Platon qui l’a réuni au giron de l’Eglise Catholique universelle grecque, seule vraye créante établie en Orient. Réjouïssés Vous de notre joye, et que cela Vous serve de consolation dans un tems où l’Eglise Latine est affligée, divisée et occupée de l’extinsion mémorable des Jesuites. A la suite du Prince Héréditaire de Darmstadt, j’ai euë le plaisir de voir arriver ici il y a quelques jours Mr Grim. Sa conversation est un délice pour moi, mais nous avons encore tant de choses à nous dire que nos entretiens ont euë jusqu’ici plus de chaleur que d’ordre et de suite. Nous avons beaucoup parlé de Vous. Je lui ai dit ce que Vous avés publiés peut être, s’est, que ce sont Vos ouvrages qui m’ont accoutumé à penser. J’attendois Diderot d’un moment à l’autre, je vient d’apprendre à mon grand regret qu’il est tombé malade à Duisbourg. L’Histoire Philosophique et Politique du Comerce des Indes m’a empêché jusqu’ici, en me donant une très grande aversion pour les conquérans du nouve au monde, de lire l’ouvrage Posthume d’Helvetius. Je n’en ai pas d’idée, mais il est bien diffiçile d’imaginer, que Pierre le sauvage porte faix dans les rues de Londres, dont j’ai le tableau peint par le fils de Phidias Falconet, soit née avec les facultés des premiers homes de ce siècle; je n’auserai citer le seigneur Moustapha mon enemi et le Vôtre, parceque Mr de St: Priest, qui a été à Paris et qui par conséquent a de l’esprit come quatre, prétend qu’il en a prodigieusement. Mais àpropos de Moustapha j’ai à Vous dire que Lamery Votre protégé a débuté dans le Tragique par Orosmane et dans le Comique par le rôle du Père de famille avec un égal succès.

Je Vous rend mille grâce de la belle harangue que Vous me composé pour inviter les Cours coopérante dans les affaires de Pologne à souper au sérail, je l’employerai volontier, mais je sais d’avance que la Dame à qui Vous voulés que je l’addresse a un Séraphin indomptable assis sur le trépied de sa politique qui par sa lenteur et l’obscurité de ses Oracles détruiroit l’effet des plus belles harangues du monde quelques grande que fussent les vérités qu’elles puissent contenir d’ailleur. Il y a des gens qui n’aime que ce qu’ils ont inventé et qui sacrifient tout à leurs idées une foi reçuë. Je souhaite sans doute la paix, mais il ne me reste qu’à faire la guerre pour y parvenir. Aussi longtems que les choses resteront dans cet état l’espérance de voir finir la captivité des Dames Turques au moins Vous reste. C’est avec tout les sentimens que Vous me conoissés et avec la reconoissance la plus vive de tout ce que Votre amitié pour moi Vous dicte que je ne cesserai de Vous souhaiter l’âge de Matusalem ou du moins celui de cet Anglais qui fut guai et bien portant jusqu’à l’âge de 176 ans; Imités le, Vous qui êtes inimitable.

Caterine