Monsieur, Je suppose que Vous me croyés un peu d'inconséquence.
Je Vous ai priés il y a environ un an, de m'envoyer tout ce qui jamais à été écrit par l'Auteur dont j'aime le mieux à lire les ouvrages. J'ai reçuë au mois de May passé le ballot que j'ai désiré, accompagné du buste de l'home le plus illustre de notre siècle, au coup duquel j'ai trouvé un ordre de Chevalerie d'une couleur aussi vive que l'imagination de celui que le plâtre représentait. Jusqu' alors j'ignorois la toison que le ruban soutenait, je ne l'ai trouvé dans aucun livre, dans aucune annales, et par conséquent j'ai jugé que s'était une politesse de mon bon ami le neveu de l'Abbé Bazin, dont Dieu veuille conserver la santée longues années. J'ai sentie une égale satisfaction de l'un et l'autre envoys, ils sont depuis six mois le plus bel ornement de mon apartement, et mon étude journalière, mais jusqu'ici je ne Vous en ai accusée ni la réception, ni fais mes remercimens. Voiçi come je résonais.
Un morçeau de papier mal griffonés, et rempli de mauvais français est un remerçiment stérile pour un tel home. Il faut lui faire mon compliment par quelque action qui puisse lui plaire. Différents faits ce sont présenté, le détail en serait trop long. Enfin, j'ai cruë que le meilleur serait de doner par moi même un exemple qui pu devenir util aux homes. Je me suis souvenuë que par bonheur je n'avais pas eue la petite Vérole. J'ai fait écrire en Angleterre pour avoir un inoculateur; le fameux Docteur Dimsdale s'est résoluë à passer en Russie. Ce vraïment habile home à qui de six mille inoculé il n'est mort qu'un seul petit enfant de trois ans qui n'avait pas encore pris la petite vérole, m'a inoculé le 1er d'Octobre 1768. J'ai été très étoné de trouver après cette opération, que la montagne était accouchée d'une sourie; je disais, il vaut bien la peine de crier contre cela, et d'empêcher les gens de ce sauver la vie par une pareille misère; il me semble que ses crieurs n'ont rien à faire, ou qu'ils sont bien sots, ou bien ignorants, ou bien méchants, mais laissons là ses grands enfants, qui ne savent ce qu'ils disent et qui ne parlent que pour parler. Je n'ai pas été au lit un seul instant, et j'ai vuë du monde tout les jours. Je m'en vais tout de suite faire inoculer mon fils unique. Le Grand maitre de l'Artillerie Cte: d'Orlow, ce Héros qui ressemble aux anciens Romains du beau tems de la République, qui en a et le Courage et la générosité, doutant s'il avait eu cette maladie, est à présent entre les mains de notre Anglais, et le lendemain de l'opération, il s'en alla à la chasse dans une très grande neige. Nombre de Courtisans ont suivi son exemple, et beaucoup d'autres s'i préparent. Outre cela on inocule aprésent à Petersbourg dans trois maison d'éducation, et dans un Hopital établie sous les yeux de Mr Dimsdale. Voilà Monsieur les nouvelles du Pôle, j'espère qu'elles ne Vous seront pas indifférentes. Les écrits nouveaux sont plus rare, cependant il vient de paraitre une traduction Française de l'Introduction Russe, donnée aux Députées qui doivent composer le projet de notre Code, On n'a pas eu le tems de l'imprimer, je me hâte de Vous envoyer le manuscrit, afin que Vous voyés mieux de quel point nous partons. J'espère qu'il ni a pas une ligne qu'un honête home ne puisse avouër.
J'aimerai bien Vous envoyer des vers en revange des Vôtres; mais qui n'a pas assés de cervelle pour en faire de bon, fait mieux de travailler de ses mains; voilà ce que j'ai mise en pratique, j'ai tourné une tabatière que je Vous prie d'accepter, elle porte l'empreinte de la persone qui a pour Vous le plus de considération, je n'ai que faire de la nomer, Vous la reconnoitrés aisément.
J'oubliois Monsieur de Vous dire, que j'ai augmenté le peu ou point de médecine qu'on done pendant l'inoculation de trois ou quatre exellent spécifique que je recomande à tout home de bon sens de ne point négliger en pareille occasion. S'est de ce faire lire l'Ecossaise, Candide, l'Ingenu, l'home aux quarante écus et la Princesse de Babilone, il n'i a pas moyen après cela de sentir le moindre mal. Le Cte: Schouvalow d'ailleur est un excellent lecteur, il ne m'a pas quité pendant ma maladie.
PS. La lettre si jointe étoit écrite, il y a trois semaines, elle attendoit le manuscrit, on a été à le transcrire et à le rectifier si longtems, que j'ai euë le tems de recevoir Votre lettre Monsieur du 15 Novembre. Si je fesai aussi aisément la guerre contre les Turks que j'ai euë de façilité à introduire l'inoculation Vous courrés risque d'être somés à tenir bientôt la promesse que Vous me faite, d'aller me trouver dans un gite, où dit-on ce sont perdu tout ceux qui en ont fait la conquête. Voilà de quoi faire passer cette tentation à qui la prendra. Je ne sait si Moustafa a de l'esprit mais j'ai lieu de croire qu'il dit Mahomet ferme les yeux quand il veut faire des guerres injustes et sans cause à ses Voisins. Si le succès de cette guerre ce déclare pour nous, j'aurai beaucoup d'obligation à mes envieux, ils m'auront prouvé une gloire à laquelle je ne pensoit pas même.
Tanpis pour Moustapha s'il n'aime ni la Comédie ni les vers, il sera bien attrappé si je parviens à mener ses Turks au même spectacle, auquel la troupe de Paoli jouë si bien. Je ne sai si ce dernier parle Français, mais il sait combattre pour ses foyers et son indépendance.
Pour nouvelles d'ici je Vous dirai Monsieur, que tout le monde généralement veut être inoculé, qu'il y a un Evêque qui va subir cette opération, et qu'on a inoculé ici dans un mois plus de persones qu'à Viene dans huit.
Je ne saurais Monsieur assés Vous témoigner ma reconnaissance, pour touttes les choses obligeantes que Vous voulés bien me dire, mais surtout, pour le vif intérêts que Vous prenés à tout ce qui me regarde, Soyés persuadés que je sent tout le poix de Votre estime, et qu'il n'y a persone qui aye pour Vous plus de considération que
Caterine
à St: Peters: ce Decembre 1768
Je prens une fois la plume pour Vous prier de Vous servir de la fourure si jointe contre le vent de bise et le fraicheur des Alpes, qu'on m'a dit Vous incomoder quelque fois. Adieu Monsieur, lors de Votre entrée à Constantinople j'auré soin de faire porter à Votre rencontre un bel habit à la grecque doublé des plus riches dépouilles de la Siberie, cet habit est bien plus comode et plus sage que ses habits déchiqueté dont touttes l'Europe fait usage et dont aucun sculpteur ne veut ni ne peut vêtir ses statues crainte de les faire paroitre et ridicule et mesquine.
ce 17 [28 n. s.] Décembre 1768