1776-07-06, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur, Plus on vit dans ce monde et plus on s'accoutume à voir alternativement des événemens heureux céder la place aux plus tristes spectacles et ceux ci à leur tout sont suivie de scènes riantes.
Les pertes dont Vous me parlés Monsieur, m'ont touchés sensiblement en leurs tems surtout par les circonstances malheureuses qui les ont accompagnées; aucun secour humain n'ayant pu ni prévoir, ni prévenir, ni réussir à sauver ou tous les deux ou du moins l'un des deux. La part que Vous y prenés Monsieur m'est une nouvelle preuve des sentimens que Vous m'avés toujour témoigné, et pour lesquels je Vous ai mille obligations.

Nous sommes très occupé présentement à réparer nos pertes. Les règlemens que Vous me demandés sont encore traduit et imprimé qu'en Allemand, rien n'est plus diffiçile, que d'avoir une bonne traduction française de quoi que ce soit d'écrit en Russe. Cette dernière langue est si riche, si énergique, et souffre tant de composition et de décomposition de termes qu'on la manie come l'on veut, et la Vôtre est si pauvre, et si sage qu'il faut être Vous pour en avoir pu tirer le parti et l'usage que Vous en avés su faire. Dès que j'aurés une traduction passable je Vous l'enverrés, mais je Vous averti d'avance que cet ouvrage est très sec et très ennuyant, et que qui y cherchera autre chose que de l'ordre et du sens comun ce trompera, dans tout ce fatras certainement il n'i a n'y génie ni esprit, mais beaucoup d'utilité. Adieu Monsieur, portés Vous bien et soyés assuré que rien ne sauroit changer ma façon de penser à Votre égard.

Caterine