ce 17 [28 n. s.] d'Octobre 1772
Monsieur, Je ne Vous dispute point la possibilité de la venue du Rinocerot et des Eléphants des Indes en Siberie; cela ce peut.
Je ne Vous ai envoyée le réçit de notre savant que come un simple objet de curiosité, et aucunement pour appuyer une opinion. Je Vous avouë que j'aimerai que l'Equateur changea de position: l'idée riante que dans vingt mille ans la Siberie au lieu de glaces pourroit être couverte d'Orangers et de Citroniers, me fait plaisir des àprésent.
Dès que la traduction de la Comédie Russe qui nous a le plus fait rire sera achevée, elle prendra le chemin de Ferney. Vous dirai peut être après l'avoir luë, qu'il est plus aisée de me faire rire que les autres Majestée, et Vous aurés raison, le fond de mon caractère est extrêmement guay. On trouve ici que l'auteur anonime de ses nouvelles Comédie Russe, quoiqu'il anonce du talent a de grands défauts, qu'il ne conoit point le théâtre, que ses intrigues sont faibles, mais qu'il n'en est pas de mêmes des caractères qu'il traçe, qui ceux çi sont soutenu et pris dans la nature qu'il a devant les yeux, qu'il a des saillies, qu'il fait rire, que sa morale est pure, et qu'il conoit bien sa nation. Je ne sai si tout cela soutiendra la traduction. En Vous parlant de Comédies permettés Monsieur que je rappelle à Votre Mémoire la promesse que Vous avés bien voulu me faire il y a près d'un ans, d'accomoder quelque bone pièçes de Théâtre pour mes institut d'éducation.
Je ne Vous parle point aujourd'huy de la grande Tragédie de la guerre, du Congrés rompu, du Congrès renoué, de la trève prolongée, j'espère de Vous mander dans peu la fin de tout ceçi, Vous serés un des premiers à apprendre la signature du Traité définitif, après quoi nous nous réjouïrons.
Les raisoneurs Politiques Welches qui dans leurs livres disent les paroles que Vous me cités, savoir: que Pierre le grand a tout épuisé pour former une armée, une flotte et un port, et que ses successeurs achèvent de tout ruiner pour soutenir l'ostentations de ces vains établissemens, Je Vous jure ne savent ce qu'ils disent; pour les convaincre, il n'i auroit qu'à faire une comparaison de l'état actuel de la Russie, avec l'état dans lequel Pierre premier trouva cet Empire, la chose seroit fort aisé. Toutes les différentes branches de l'Administration prouveroit en particulier que Messieurs Vos raisoneurs jugent mal du tout ensemble du haut de leur grenier. Il y a dans ce monde des gens qui ont intérêts à ne pas ajouter fois à la vérité mais aimant à ce flatter ils encouragent à débiter des mensonges et balivernes qui leurs sont favorables. Je suis come toujour ave l'estime et la considération la plus distingué.
Caterine