1771-12-19, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur, Je viens de recevoir Votre lettre du 18 Novembre.
Grâce aux arrangemens pris par le Cte: Orlof à Moscou il n’i avoit le 28 Novembre que deux persones de mortes dans la Ville de cette contagion dont Vos pays méridiaunaux ont si grand effroy et avec raison, mais il y a encore des malades, les Médecins assurent que les deux tiers en échaperont. Ce qu’il y a de singulier s’est qu’aucune persone de qualité n’en a été attaquée et qu’il en est morts plus de femes sans comparaison que d’homes. Dans les corps anatomisés l’on a trouvés que le sang s’étoit réfugiés dans le cœur et les poumons et qu’il ni en avoit pas une goute dans les veines, que tous les autres remèdes étoit mortel hors ceux qui provoquoit la sueur. Je Vous enverrés incessament des nois de cèdre de Siberie, j’ai fait écrire au gouvernement de m’en envoyer de toutes fraiches. Vous les aurés vers le printems. Les contes de l’Abbé Chappe ne mérite guère de croyance. Je ne l’ai jamais vuë, et cependant il prétend dans son livre dit-on avoir mesuré des bout de bougie dans ma chambre, où il n’a jamais mis le pied; ceçi est un fait. Votre lettre me tire d’inquiétude au sujet de l’argent pour les montres, puis qu’enfin il est arrivé. Pour ce qui regarde le Comerce des montres à la Chine je crois qu’il ne seroit pas impossible d’y parvenir en s’addressant à quelque conteur d’ici, qui trouveront bien le moyen de faire assurer ses montres à la frontières de la Chine, car quoiqu’on disent les écrivains la Courone ne fait plus ce Comerce. Les tableaux que j’avois fait acheter en Hollande de la Collection de Brancamp sont tout péris sur les côtes de Finlande, il faudra s’en passer, j’ai euë du gignon cette année, en pareil cas il n’i a d’autre ressource que de s’en consoler. Je Vous ai mandées les nouvelles que j’ai de mes armées de terres et de mer, il ne me reste dont pour aujourd’huy qu’à Vous renouveller Monsieur tout les sentimens que Vous me connoissés.

Caterine