1754-07-06, de Marie Louise Denis à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

Nous sommes arrivés Monsieur en assez bonne santé, mais nous avons été sinq jours en route aulieu de trois, affin d'arriver moins fatigués à Plombiere.
Nous y avons trouvé Mr de Voltaire, qui y étoit depuis deux jours. Sa santé est très foible. Il essaie les eaux et les beins mais je doute que ce remède lui Conviene. Je lui ai rendu votre lettre à la quelle il m'a paru fort sencible.

Il y a icy beaucoup de monde, on n'a pas le temps de respirer n'y de Coser. Mr, Mme Dargental et Mr Chovelin nous sont d'une grande resource, nous nous voions beaucoup dans la journée et nous passons toutes les soirées ensemble. Pour vous je vous crois dans votre Normandie, vous menez une vie plus pesible que la Notre, je vous vois d'ici accomodant votre jolie terre, faire une Comédie et souper avec vos amis. Pour moi je dine actuelement avec un homme bien rare à qui je suis tendrement attachée. J'ignore le temps de mon retour, et je ne peux rien vous mender de fixe. Mais je suis très sûre que vous êtes trop mon ami pour ne me pas approuver encas que je puisse passer quel que temps avec mon Oncle. Je serai plus instruite dans quel que jours et je pourai vous dire une partie de nos progets. Croiez qu'il y en a un dont je ne me departirai jamais, c'est celui d'être votre amie le reste de ma vie. Avez vous des nouvelles de l'abbé? est il à Paris? Je lui écris. Comment vous accomodez vous de mes petits chevaux? Mendez moi des nouve[lles] de vos travaux et de votre santé et croiez que personne ne s'i intéresse plus vivement que moi.

Malgré le goût que Mr de Voltaire a pris pour la retraite il a fait toutes ses visites et est ici tout au mieux, mais sa santé est bien foible et il s'en faut bien qu'il soit aussi bien que lors que je l'ai quité l'année passée.

Adieu Monsieur, songez quel que fois à une femme qui vous sera attachée toute sa vie.