1754-12-28, de Marie Louise Denis à Sébastien Dupont.

Depuis mon départ je dis exactement tous les jours, il faut que j'écrive à Monsieur Dupon, ainci Monsieur ce n'est pas la volonté qui me menque, mais j'ai mené une vie si agitée depuis que nous nous sommes quités que je n'ai eu le temps de rien.
Vous savez combien notre séjour à Lion a été agréable. Mon oncle sans doute vous l'aura mendé. Je vous avoue que j'ai été fort aise qu'il vit par ses yeux à quel point les françois l'aiment encor. Mr de Richelieu est furieux de ce qu'il n'y a pas passé l'hyver par ce que nous l'aurions encor vu à son retour de Langdoc, mais il a pris à mon Oncle une douleur de siatique qui m'a inquiété. Il n'étoit pas logé comodément pour un homme malade et il faloit du temps pour louer un appartement et le meubler. On lui conseille de prendre les beins d'Aix en Savoie. Un de mes amis de Paris nous a offert sa terre de Prangein qui n'est pas fort éloignée de ses eaux et nous avons pris le parti d'y passer l'hyver. Ma fenestre donne sur ce beau lac de Geneve que je vois de mon lit et j'aime mieux ce païs ci que Mhaneim. Mon oncle y est fort fêté, fort caressé. S'il y trouve une jollie maison de campagne à louer il poura bien la prendre et nous en lourions une pour l'hyver à Lion ou à Dijon ou à Colmar carvous nous tennez fort au coeur et nous sommes très fâchés d'être si loin de vous et de toute la maison de Gleinglein que nous aimons de tout notre cœur. Nous sommes ici fort dénué de tout par ce que nous avons laissé nos caisses à Colmar à un Mr Turquem à qui mon Oncle écrit lettre sur lettre pour les lui demender et qui n'en reçois point de réponce. Il en a sinq, 4 à mon Oncle et une à moi marqué d'un é. Je vous prie Monsieur de vouloir bien avoir pitié de nous, de voir ce Turquem et de nous faire parvennir nos caisses. Celles de mon Oncle sont de concéquences et la miene est pleine de toute ma garderobe qui est très considérable. Je serais toute nue si elle étoit vollée ou perdue car je n'ai apporté pour Lion que quelque Robbe dorrée que je ne peux pas mettre ici. J'entrevois que vous n'avez point encor de pouvoir pour l'affaire du duc de Virtimberg. L'homme en question apparament n'est point encor déterminé mais je le pousserai de façon que je tâcherai d'en vennir à bout.

Adieu Monsieur, je me flate que vous m'aimez toujours un peu. Pour moi je vous jure que je vous aimerai toujours apsant comme présant. Vous avez gagné mon estime et mon coeur, je vous demende un peu de retour et je voudrais pouvoir vous donner des preuves de mes sentimens. Dites pour moi je vous prie des choses bien tendres à Mme Dupon. Je finis sans compliment affin que vous en usiez de même en m'écrivant.

Denis

L'avanture de la pauvre Mme Gole me paroit bien triste. J'y prands beaucoup de part et je crains bien qu'on ne la tourmente.