11e avril 1767 au château de Ferney par Genève
Monsieur,
Votre excellence ne doute pas à quel point son souvenir m'est prétieux.
Je vous suis attaché à deux grands titres, comme à L'embassadeur de l'impératrice, et comme à un homme bienfaisant.
Je vous remercie de l'imprimé que vous avez bien voulu m'envoyer. Sa majesté impériale avait déjà daigné m'en gratifier il y a trois mois, avant qu'il fût public. Je n'y ai rien trouvé ni à resserrer, ni à étendre. Cet ouvrage me parait digne du siècle qu'elle fait naitre. J'oserais bien répondre qu'elle fera goûter à son vaste empire tous les fruits que Pierre le grand a semés. Ce fut Pierre qui forma l'homme, mais c'est Catherine seconde qui L'anime du feu céleste.
J'ai une opinion particulière sur L'affaire de Pologne quoiqu'il ne m'appartienne guère d'avoir une opinion politique. Je crois fermement que tout s'arrangera au gré de l'impératrice et du Roy, et que ces deux monarques philosophes donneront à L'Europe étonnée le grand éxemple de la tolérance. Les paÿs qui ne produisaient autrefois que des conquérans, vont produire des sages, et de la Chine jusqu'à l'Italie (exclusivement) les hommes aprendront à penser. Je mourrai content d'avoir vu une si belle révolution commencée dans les esprits.