1773-07-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

J’ai oublié, Monseigneur, dans ma dernière lettre, de vous dire que les meilleurs artistes de ma colonie voulaient se rendre dignes de la protection que vous daignâtes leur accorder il y a quelque temps.
Il ne s’agira que d’une seule montre, elle sera très belle et très bonne. Si vous voulez qu’elle soit ornée de diamants fins elle le sera, mais elle coûtera fort cher. Si vous voulez qu’elle soit ornée seulement de marcassites, avec la chaine de même soit pour homme, soit pour femme, ils disent que le prix ne poura pas passer cinquante ou soixante Louis.

Voudriez vous avoir la bonté de me donner vos ordres? Vous serez servi un mois après la réception de vôtre Lettre.

Vous devez avoir reçu l’ouvrage d’une autre manufacture qui ne coûtera rien au roi. Celle là me tient plus à cœur que toutes les autres. On aime toujours son premier métier; et quoi que j’aie détruit mon théâtre pour bâtir des maisons d’horlogers, j’aime toujours mieux des tragédies que des cadrans. Je pourais me vanter à Mr L’abbé Terray d’être un bon laboureur, et de faire croître du bled dans des champs maudits, où il n’y avait pas même de l’herbe depuis la création, mais ma passion l’emporte sur tout celà. Je suis pour les vers ce qu’est La Borde pour la musique. Mon héros sait le pouvoir des passions, et il les excuse. Je lui demande donc son indulgence en attendant que j’en aie une du Pape in articulo mortis. Je le suplie d’être toujours un peu sensible au tendre respect du vieux bon homme

V.

Il est suplié de vouloir bien me dire s’il veut la chaine de montre pour homme ou pour femme.