1773-09-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Jeanne Bécu, comtesse Du Barry.

Madame,

Monsieur Le Maréchal de Richelieu voulut bien m’écrire il y a quelques mois, qu’il accepterait plusieurs montres fabriquées dans les manufactures de Ferney pour les présents destinés aux personnes qui accompagneraient Madame la comtesse D’Artois.
Il me manda depuis que vous aviez la bonté de vous charger de ces présents.

Je prends donc la liberté, Madame, de vous adresser un essai des travaux de la colonie que j’ai établie dans ma terre. Cette montre est ornée de diamants, et ce qui vous surprendra c’est que les srs Ceret et Dufour qui l’ont faitte sous mes yeux, n’en demandent que mille francs.

Vous protégez tous les arts en France, j’ose espérer que vous protègerez nos efforts. Je me croirai bien récompensé d’avoir établi des artistes industrieux, d’avoir acquis à Sa Majesté plus de six cent nouveaux sujets des païs étrangers, et d’avoir changé un petit hameau pauvre et mal sain en une espèce de petite ville assez jolie, si mes soins ont le bonheur de vous plaire.

La montre que j’ai l’honneur de vous présenter n’est malheureusement pas à répétition, mais si vous en vouliez, nonseulement à répétition, mais à chaine de marcassites, vous seriez étonnée qu’elles coûteraient un tiers moins que celles de Paris. Ce serait Madame une grande consolation pour ma vieillesse si je pouvais jamais me flatter qu’il sortît quelque chose de Ferney qui ne fût pas indigne de vos regards et de vôtre protection.

J’ai l’honneur d’être avec respect

Made.