1773-05-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

C’est toujours au premier Gentilhomme de la chambre, au grand maître des jeux et des plaisirs que j’ai l’honneur de m’adresser.
Je lui ai écrit en faveur de Patras que je crois très utile au théâtre que mon héros veut rétablir.

Je lui présente aujourd’hui requête pour La Borde dont on prétend que la Pandore est devenue un ouvrage très agréable. Je crois qu’il mourra de douleur si mon héros ne fait pas éxécuter son spectacle aux fêtes de Madame la Comtesse d’Artois; et moi je reprendrais peut être un peu de vie si cette avanture pouvait me fournir une occasion de vous faire ma cour pendant quelques jours.

Je crois que cette Pandore avec sa boëte, a été en éffet la source de bien des maux, puisqu’elle fit mourir de chagrin ce pauvre Royer, et qu’elle est capable de jouer un pareil tour à La Borde. Les musiciens me paraissent encor plus sensibles que les poëtes. Il y a longtemps, Monseigneur, que je cherche le moien de vous envoier un recueil qui contient les loix de Minos et plusieurs petits ouvrages en prose et en vers assez curieux. Je vous demanderais une petite place pour ce livre dans vôtre bibliothèque; il est assez rare jusqu’à présent. Ne puis-je pas vous l’envoier sous l’envelope de M: Le Duc D’Aiguillon? J’attends sur celà vos ordres.

On va jouer les loix de Minos à Lyon, le spectacle sera très beau, mais les acteurs sont bien médiocres. Je compte que la pièce sera mieux jouée dans vôtre capitale de la Guienne. Je n’irai point voir le spectacle de Lyon. Les suittes de ma maladie ne me le permettent pas. Mais quand il s’agira d’obéir à vos ordres, je trouverai des ailes, et je volerai. Je vois qu’un certain voiage est un peu différé; tant mieux, car nous n’avons point encor de printemps, mais en récompense nous sommes entourés de neige.

V.

NB: on me mande que La Borde a beaucoup retravaillé sa Pandore, et qu’elle est très digne de vôtre protection.

Conservez vos bontés à ce pauvre malade qui ne respire que pour en sentir tout le prix.