[c. 15 8bre 1754]
J'écris au p. Henaut, et je le prie d'engager Royer, qu'il protège, à supprimer son détestable opéra, ou du moins à différer.
Vous connaissez mon cher ange cette Pandore imprimée dans mes œuvres. On en a fait une rapsodie de paroles du pont neuf. Cela est vrai à la lettre. J'avais écrit à Roier une lettre de politesse, ignorant jusqu'à quel point il avait poussé son mauvais procédé et sa bétise. Il a pris cette lettre pour un consentement, mais àprésent que Mr de Moncrif m'a fait lire le manuscrit je n'ay plus qu'à me plaindre. Je vous conjure de faire savoir au moins par tous vos amis la vérité. Faudra t'il que je sois défiguré toujours impunément en prose et en vers, qu'on partage mes dépouilles, qu'on me dissèque de mon vivant? Cette dernière injustice aggrave tous mes malheurs. Rien n'est pis qu'une infortune ridicule.
Je demande que si on laisse Royer le maitre de m'insulter et de me mutiler, on intitule au moins son Prometée, pièce tirée des fragments de Pandore à laquelle le musicien a fait faire les changements et les additions qu'il a cru convenables au téâtre lirique. Il vaudrait mieux luy rendre le service de supprimer entièrement ce détestable ouvrage. Mais comment faire? Je n'en sçais rien. Je ne sçais que soufrir et vous aimer.