1773-03-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean François Marmontel.

Vôtre ancien ami est revenu au monde, mais ce n’est pas pour longtemps.
Ce qui est bien sûr c’est qu’il vous sera tendrement attaché dans le petit nombre de minutes qu’il peut avoir encor à végéter sur ce globule.

Je vous plains, je plains le théâtre et le bon goût, puisque Mlle Clairon va en Allemagne, mais je ne puis la blâmer de quitter le païs de la frivolité et de l’ingratitude.

J’ai mis au coche un petit ballot de rogatons, qu’on vient enfin d’imprimer à Genêve. On y trouve des pièces assez curieuses, et entre autres le discours de l’avocat Belleguier qui n’aura point le prix de l’université. Vous y verrez aussi les loix de Minos qui n’ont été faittes que pour amener des notes très vraies et très insolentes, très dignes de l’avocat Belleguier, très dignes d’être lues par vous, et qui ne seront point du tout du goût de Cogé pecus et de Ribaudier.

Vous voiez bien que Valade est un fripon, et un sot fripon, puisqu’il ose dire qu’il imprima son infâme rapsodie sur une édition de Genêve, et que cette édition de Genêve ne parait que depuis huit jours.

Voici une Lettre à Mr Pigal, elle se sent un peu de ma maladie; mais aussi, elle n’a point de prétention.

Adieu, mon très confrère; ma grande prétention est à vôtre amitié.

Présentez, je vous prie, mes regrets à Mlle Clairon.