29e Mars 1773 , à Ferney
Mon cher successeur; un de mes grands chagrins en mourant ces jours passés, était de prendre congé sans vour avoir revu, et sans avoir lu les Barmecides.
Oui j'ai vu les vers sur la statue, ils me font trop d'honneur, mais ils sont éxcellents. En voicy sur cette statue qui ne valent pas les vôtres. Ce sont Lævia carmina et faciles versus qu'on fait currente calamo, et qui ne prétendent à rien. Cependant, si vous pouvez les glisser dans le mercure, ce sera toujours un petit service rendu à maître Aliboron et à sa séquelle.
Je fais partir un ballot de livres de contrebande. Vous croiez bien qu'il y en a quelques exemplaires pour vous, qui êtes un peu de contrebande aussi dans ce siècle, puis que vous êtes rempli de goût et de génie.
Le discours de l'avocat Belleguier en l'honneur de l'université, se trouve dans ce recueil. Il y a des pièces curieuses, et même importantes. Ce qu'il contient de moins bon est la tragédie des loix de Minos; mais dumoins les vers dont Valade l'avait honorée n'y sont pas. Cette pièce n'avait été faitte que pour amener des notes sur les sacrifices du temps passé et du temps présent. Ces notes ne seront aprouvées ni par Ribalier, ni par Cogé pecus, mais elles sont toutes dans la plus éxacte vérité. Ainsi elles peuvent faire du bien; le vrai seul est aimable, il doit règner partout.
Il y a une épître dédicatoire à Mr le Mal De Richelieu bien longue, et assez singulière. Il me semble que je vous ai assez bien désigné à la page dix. Puissent les alguasils de la Littérature, et les commis à la douane des pensées, laisser arriver mon petit ballot en sûreté!
Adieu, mon cher successeur, ma consolation sera dans les Barmecides.