1773-02-10, de — de Chaumareys à Voltaire [François Marie Arouet].
Séduit par les talens, j’écrivis à leur père:
Je ne sçais, si ma lettre, eut Le don de lui plaire:
J’ignore quel fut son destin:
Arriva t-elle, à son adresse,
Ou se perdit-elle en chemin,
Son sort, quel qu’il soit m’intéresse.
Pour Voltaire, mes vers, sont un trop faible encens,
Mais je suis père tendre, et j’aime mes enfans.
J’avais osé prier les grâces
Et L’amante du Beau Phaön:
Les Nymphes du sacré Valon,
Et Les ris, qui suivent leurs traces,
De présenter mes vers, au Chantre de Henri,
Au sage de Ferney, leur plus cher favori.
Ma prière fut inutile;
Grâces, Sapho, Muses, et Ris,
Venaient de quitter leur asile
Pour se rassembler à Paris;
Et ceindre de Lauriers, le buste triomphant,
Qu’élève le Parnasse, à Voltaire vivant.

Rien de plus Glorieux, Monsieur, pour la littérature, que cet événement: rien de plus intéressant, pour tous les honêtes gens, qui s’unissent à vous rendre le culte, que vous décerne à jamais la postérité, que les pages 161, et suiv. du Mercure, 2e volume d’Octobre dernier, que mes faibles homages ne sontils, plus dignes de leur objet: L’homme de son siècle, le plus poli, comme le plus beau Génie, voudrait bien répondre, peut être, à L’Epitre en vers, et en Prose, qui lui fut adressée, vers le mois de juillet dernier, à Ferney, Pays de Gex, écrite et Confiée, à la poste de Brive en Limosin, par un gentilhomme, Cultivateur des lettres, Courtisan des Muses, admirateur de leur divin ami…. Je suis le père malheureux, de cette Epitre: à la qu’elle j’ajoutai, une Ode à la Discorde: Poëme que ma tendresse trop paternelle, osa vous présenter Monsieur, vous demandant avec franchise, votre sentiment: je le préférerais, à tous égards, et sans comparaison, à celui de ces messieurs, qui veulent dit-on, qu L’on fasse des Pœmes en prose: comme si le sort Glorieux de votre Oedipe, et L’éternal oubli de celui de la Motte, permettaïnt la résurection d’un sistème, que vous combattites monsieur, si victorieusement Contre son auteur…. Ce serait mal témoigner ma reconnaissance, que d’étandre de mauvaise prose, vis-à-vis du poëte, sublime, qui par L’universalité de ses talens, règne dans L’Empire des lettres: mais un monarque, si bien Connu de lui, et qui joüe sur le Théâtre de L’Europe un Rolle immortel, deïgne à ce qu’on dit, répondre au moindre de ses sujets. Je suis, avec le respect, et tous les autres sentimens, que je vous prie Monsieur, de regarder comme un titre, en faveur, de votre très humble et très obéissant serviteur

de Chaumareys