1770-09-14, de Jean Gal à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Quoi que je ne sache parler ni grec, ni latin, M. d'Alembert a bien voulu recevoir ma pite pour la statue qu'on vous érige, & jamais aucun argent n'a été donné de meilleur cœur que l'a été celui là, mais si,

Lorsque de vos contemporains
Le coeur reconnaissans s'empresse
De rendre à vos talens divins,
Cet honneur qu'inventa la Grece,
Pour les Bienfaiteurs des humains,
Souffrirés vous qu'un hérétique
Se mette au rang des souscripteurs?
C'est le plus grand de vos admirateurs
Quoi que vous soiés catholique.
Au chantre d'un Roi très chrétien
Au Père d'Alvarès, de Mérope & d'Alzire,
Au philosophe historien
On dresse une statuë: eh bien,
Tout bon Français doit y souscrire;
La Religion n'y fait rien;
Et les protestans de la France
Seraient, sans doute, des ingrats,
Si de bon coeur, ils n'aimoient pas
L'apôtre de la tolérance
Et le protecteur des Calas.

C'est ainsi, Monsieur, que je pense, j'ai donc dû Montrer que je m'intéressois vivement à vôtre gloire, & je l'ai fait; mais je vous l'avoue, je m'intéresse encore plus fortement à vôtre conservation, aussi ne cesse je de faire des voeux en vôtre faveur. Daignés les agréer & croire que j'ai l'honneur d'être avec le respect le plus tendre & le plus soutenu,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur

Pomaret