1763-06-09, de Count Ivan Ivanovich Shuvalov à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Me voilà éloigné de ma patrie, et plus près de vous, Monsieur.
Je manquerai à moi même, si en voyagant dans le monde policé, je ne verrai pas celui qui l'instruit. Je trouve dans chaque païs où je passe vos ouvrages, monumens imortels pour vous, glorieux pour notre siècle et très utile à la postérité. Quelle joye sera pour moi, monsieur, d'avoir l'honneur de vous voir, vous témoigner de bouche mon respect, et ma reconnaissance, admirer vos talens, s'instruire dans votre conversation. Quelques paroles de vos sages réflections, seront des leçons pour moi. Je crains cependant une chose, c'est de un peu démentir la bone opinion que vous avés de moi, en me voyant. Je n'avais d'autre capacité, monsieur, que mon Zêle, à exécuter les intentions de ma souveraine de glorieuse mémoire, en fondant l'université, et l'académie. Voilà tous mes mérites, et celle encore de reconnaître les vôtres, avec tous les sentimens du respect et d'admiration qu'on vous doit

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Schouvallow

Je viens dans ce moment recevoir vos deux obligeantes lettres et le 11e Tom. de Pierre le grand. Vous me faite manquer des expressions à vous témoigner ma reconnaissance. Soyé persuadé Monsieur que tout bon Russe qui adore la mémoire de notre héros, doit avoir des obligations au grand Voltaire.