aux Délices 21 septb [1757]
Je vous écris mon cher monsieur en sortant de l'orfelin de la Chine, qui a été assez bien joué.
Je crois qu'incessamment vous aurez la même trouppe à Berne. Elle sera dans votre ville, vous n'êtes pas gens à chercher votre plaisir ailleurs que chez vous. On ne parle plus du tout à Berne de la querelle qu'un ou deux personnes très méprisées ont voulu exciter. L'indignation contre ces brouillons subsiste, et leurs sottises sont livrées à l'oubli, digne punition des sots. Je vous remercie bien tendrement de touttes vos attentions obligeantes pour du vin que je voudrais bien boire avec vous. J'écris à mr le bailli de Lausane ne voulant rien faire sans son aveu. Il est vray que le vin de la côte me fait mal à la gorge, mais je risquerais volontiers des esquinancies pour jouir de la liberté et de la douceur helvétique. J'espère que ma maison de Lausane sera prête pour le mois de novembre.
On m'écrit de Vienne que le combat entre les russes et les prussiens a été entièrement à l'avantage des russes, et que le comte de Dhona que le roy de Prusse envoiait pour commander à la place du général Leuvald est très dangereusement blessé. On presse vivement à Vienne et à Ratisbonne la cérémonie du ban de L'empire. On s'attend pendant ce temps là à une bataille entre les trouppes du roy de Prusse et celles du prince de Soubize vers Eisenak.
Si après cela nous avons la paix, il faut avoüer qu'elle sera chèrement achetée. Il paraît icy une espèce d'histoire du roy de Prusse. C'est l'ouvrage d'un gredin. Cela fait mal au cœur. J'ay peur que le fiscal de L'empire n'ajoute un chapitre à cette histoire.
Mille tendres respects à mr et me de Freydenrik. Adieu mon très cher philosofe.