[c. 3 January 1773]
Des gens en place et très bien informez me mandent qu'un nommé Grasset libraire de Lausanne a déjà envoyé à Paris plusieurs paquets des lois de Minos et qu'il doit actuellement en faire passer deux mille à un libraire.
Ils sont peutêtre déjà en chemin.
Vous sentez mon cher ami combien cette manœuvre est préjudiciable à vos intérêts et dangereuse pour mon repos. Vous savez quelles fautes énormes de typografie on a commises dans le cours de l'impression, pour ne m'avoir jamais envoié les dernières épreuves. C'est dommage que vous n'aiez jamais eu un correcteur d'imprimerie. Vous avez trop d'esprit pour ne pas lire les mots tels qu'ils doivent être. Un correcteur d'imprimerie les lit tels qu'ils sont.
Quand il n'y aurait que cette faute en tout honneur pour en ton honneur, cella suffirait pour autoriser les malins qui veulent faire tomber la pièce.
Mais il y a un autre inconvénient et il est funeste pour votre débit.
Je vous ai déjà dit que deux ou trois cartons étaient absolument nécessaires, et qu'il fallait adoucir quelques endroits des nottes qui ne passeraient jamais. Cependant voilà deux mille de vos exemplaires en chemin avec la marque de réprobation. M. de Sartine qui a vu un de ces exemplaires est très offensé. Probablement la pièce ne se jouera point. Vos avances seront perdues. Je vois clairement que vous avez été trahi. Vous y mettrez ordre. Je suis faché qu'un contretemps si désagréable vienne vous inquiéter au milieu de vos tracasseries de réélection, mais avec votre prudence et votre activité, on peut remédier à tout. Il est bien à propos que je vous voie incessamment.