à Ferney 13e 7bre 1772
Je vous renvoie, Monsieur, avec mille remerciements, la rélation de Stokolm.
On m'en a envoié de Versailles un exemplaire que je conserverai toute ma vie comme un monument de la plus noble fermetté, et de la plus haute sagesse.
Il n'en sera pas demême de la Lettre de cet abbé Pinzo. Je ne sais si cet extravagant est à Paris. Il n'est pas vraisemblable qu'un Italien ait écrit une telle Lettre en français. Ce qui est bien sûr, c'est qu'une telle Lettre est l'abominable production d'un fou furieux qui doit être enchainé. C'est d'ailleurs une plate imitation des vous et des Tu.
J'ignore s'il y a en Savoye quelque barbare assez sot pour avoir envoié cette Lettre au pape, et assez dépourvu de sens et de goût pour me l'imputer; mais je suis sûr que le pape a trop d'esprit pour me croire capable d'une si horrible platitude. Il y a des calomnies qui sont dangereuses quand elles sont faittes avec art; mais les impostures absurdes ne réussissent jamais. Il faut en tout païs laisser parler la canaille. Il vaudrait mieux qu'elle ne parlât pas; mais on ne peut lui arracher la langue.
On débite à Paris des sottises plus étranges. J'en ai reçu par la poste. Il en faut toujours revenir au mot du cardinal Mazarin, laissons les dire et qu'ils nous laissent faire.
Mes très humbles respects.
V.