1772-08-15, de Jacques Le Brigant à Voltaire [François Marie Arouet].

Que je regrette, Monsieur, de ne pas être aussi près de vous, que je L'étois en cette saison il y a trente et deux ans, Lorsque vous faiziés faire à Amsterdam chez Jacques des Bordes sur Le pont de La Bourse L'édition in 8vo 4 volumes de vos oeuvres, que je conserve encor, avec votre portrait gravé par Jacob Falkens.
Que de choses j'aurois à vous communiquer? que de découvertes nouvelles pour vous, qui couronneroient vos Belles connoissances, et donneroient des notions aux quelles on pourroit dorénavant se tenir?

L'imprimé joint à ma Lettre vous détaillera une partie de cès notions. Les cartons que j'y ajoute font mention d'autres points, que la lecture des questions sur L'enciclopédie vient de me rappeller.

Si mon envoi vous parvient, Monsieur, je vous prie de L'honorer de votre attention. Je me flatte que vous ne verrés rien, qui ne La mérite, puisque tout tend à la découverte de la vérité.

Il est une Langue primitive existente encore, et qui se retrouve La mère de toutes cells du globe que nous habitons. C'est par elle, monsieur, que je suis parvenu au dépouillement de toutes cès Langues, jusques à celle d' Aotourou, L'habitant de L'isle de Taiti, à Les entendre, et à Les interpréter, et à Les parler comme Les nationaux.

Deux heures de conversation me suffiroient pour faire La démonstration de ce que j'avance, et pour apprendre à toute persone d'une organization ordinaire Les principes de cette Langue, que parlent tous ceux qui en ont une, sans sans apercevoir, par ce que La Leur est altérée dans L'arrangement et La prononciation.

Le Bruit étoit venu jusqu'à nous, que vous deviés faire cette année un voiage de Paris. Si Les promesses qu'on m'a faites se réalisoient, j'y serois aussi en peu; mais L'entretien de treize enfans, qui me restent de vingt, et des occupations que je ne puis interrompre sans diminuer Le revenu, nécessaire à L'entretien d'une communauté aussi nombreuse, me privent des moiens de me satisfaire, et d'exécuter ce que j'ai annoncé. Vos conseils peut être dictés par La Bienveillance, m'indiqueroient quelques uns de cès moiens, qui ne se sont pas présentés encor. Je désire donc de plus en plus que ma Lettre vous parvienne, et qu'en vous faisant part de quelque chose à quoi, peut être on ne se fût pas attendu de nos cantons, elle porte jusqu'à vous Le témoignage sincère du respect intime, avec Lequel je suis,

Monsieur,

Votre trés humble, et trés obéissant serviteur

Le Brigant avocat

Rien de plus faux que le prétendu miracle de Penpol du 6 janvier 1771. Tout est une imposture des plus grossières.

Penpol est dans L'évêché de st Brieuc, et non en Treguier. Il n'y a point de curé, nommé en Brétagne recteur, c'est celui de Plonnès dont L'église dépend.

L'évêque de Treguier mr de Royere est absent depuis deux ans, étant en cour pour La députation des états.

Le clergé de La ville se réduit au vicaire et à un autre prètre nommé Morvan. Toutes Les églises se réduisent à une seule. Il n'y à pas une seule communauté. Enfin il n'y à aucun Lieutenant général à Treguier, mais seulement un sénéchal des regueres, qui est en mème tems Le juge prévôt.

Il est triste pour nous autres Bas Brètons d'ètre favorisés de si Beaux miracles, qui malheureusement n'ont été faits qu'à Bourges en Berri, à moins que ce ne soit à Saumur du tems de Louis 14.