1772-06-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Count Ivan Ivanovich Shuvalov.

Monsieur,

Je ne pouvais jamais recevoir une Lettre plus agréable ni mieux présentée que celle dont Monsieur Le Prince de Galitzin m’a honoré de la part de Vôtre Excellence.
Il m’a fait l’honneur de coucher dans mon petit hermitage. L’avantage de voir un de vos neveux m’a fait prèsque oublier ma vieillesse et tous les maux qui l’accablent. Il ne me manquerait plus que de faire ma cour à Monsieur son oncle pour être entièrement consolé.

Je trouve Monsieur le Prince Galitzin bien bon de quitter Rome pour Genêve. Il quitte le sein des beaux arts pour des écoles un peu sèches, mais son esprit embellira toutes les sciences auxquelles il voudra s’appliquer. Tout malade que je suis j’ai vu combien il est aimable. Il a fait la conquête de toutes les Dames qui étaient chez moi. Je n’ai jamais senti une plus douce consolation que quand il m’a dit que vous pouriez passer par nos frontières de la Suisse. Il y a bien longtemps que vous êtes absent d’une patrie qui se couvre tous les jours de gloire. Je serais trop heureux de me trouver sur vôtre route, et de vous renouveller le sincère respect et l’attachement inviolable avec le quel j’aurai l’hônneur d’être pour le peu de temps que j’ai encor à vivre

Monsieur

de Vôtre excellence

Le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire