1772-02-10, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur, Vous me demandés un exemplaire imprimé de l’attentat des révérends pères Poignardini, confédérés pour l’amour de Dieu, mais il n’y a point de relation de cette détestable scène imprimée ici. J’ai ordonée de remettre à Mr Palenski Votre protégé l’argent pour son voyage d’Italie, j’espère qu’il l’aura reçu à l’heure qu’il est, de mêmes que Vos colons, auquels j’ai dit d’envoyer les deux cents quarantes sept roubles qui manquent au compte qui leur a été payé ci devant. Dans une de Vos lettres, Vous me souhaités entre autre belle choses que Votre amitié pour moi, Vous inspirent, une augmentation de plaisirs; je m’en vais Vous parler d’une sorte de plaisir bien intéressant pour moi, et sur le quel je Vous prie de me doner Vos conseils. Vous savés, car rien ne Vous échape, que cinq cens demoiselles sont élevées dans une comunautés çi devant destinée à trois cens épouses de notre seigneur. Ses demoiselles, je dois l’avouer, surpassent notre attente, elles font des progrès étonnant, et tout le monde convient, qu’elles deviennent aussi aimable qu’elles sont remplies de conoissances utiles à la société, le tout accompagné des mœurs les plus irréprochables, sans avoir cependant l’autorité minutieuses des recluses. Depuis deux hivers on a comencé à leurs faire jouer des Tragédies et des Comédies, elle s’en acquitent mieux que ceux qui en font profession ici: mais j’avouë qu’il n’y a que très peu de pièces qui leur convienent, parceque leur supérieure voudroit éviter de leurs en faire jouer qui remuassent trop tôt les passions. Il y a trop d’amour dit-on dans la plupart des pièçes françaises, et les meilleurs auteurs mêmes, ont été souvent gênés par ce goût ou caractère national. En faire composer deviendroit impossible, parcequ’on n’en compose point de bone à tant par feuille, s’est l’ouvrage du génie. Des pièçes mauvaises ou insipides nous gâteroit le goût, conent faire? Je n’en sais rien. J’ai recours à Vous, faut il choisir des scènes? Cela est beaucoup moins intéressant que des pièçes suivies à mon avis. Persone ne saurait mieux en juger que Vous, aidés moi je Vous prie de Vos conseils. J’allois finir cette lettre, lorsque je reçois la Vôtre du 14 Janvier. Je vois à regret que je n’ai point réponduë à quatre de Vos lettres, cette dernière est écrite avec tant de vivaçité et de chaleur qu’il semble que chaque nouvelle année Vous rajeunit. Je fais des vœux pour que Votre santé ce rétablisse pendant le cour de celle ci.

Plusieurs de nos offiçiers pour lesquels Vous avés eu la complaisance de les admettre à Ferney, sont revenu tout enchanté et de Vous et de l’accueil que Vous leur avés fait. En vérité Monsieur Vous me donés des preuves bien sensible de Votre amitié, Vous l’étendés jusqu’à tous ses jeunes gens avides de Vous voir, Je crains qu’ils n’abusent de Votre complaisance. Mais après avoir dis cela, Vous dirés, que je ne sais ce que je veut, lorsque je Vous dirés que j’ai grondée le Cte: Theodore Orlow, qui a été quatorze heures à Geneve, de n’être point allés Vous voir. S’il faut tout dire, s’est une mauvaise honte qui l’a retenuë, il prétend qu’il s’explique pas avec autant de facilité, qu’il voudroit en français. A cela j’ai réponduë, qu’un des principaux mobiles de la Bataille de Tschesme étoit dispensé de savoir exactement la granaire française, que l’intérêt que Mr de Voltaire veut bien prendre à tout ce qui regarde la Russie et l’amitié qu’il me marque me fait supposer que peut être il n’auroit pas eu de regret quoi qu’il n’aime point le carnage, d’entendre les détails de la prise de la Morée et des deux journées mémorables du 24 et 26 Juin 1770 de la bouche d’un officier général aussi aimable qu’il est brave, et qu’il lui auroit pardonés de ne pas parler exactement une langue étrangère, que bien des naturels conencent à ignorer, s’il en faut juger par tant de production qu’on imprime tout les jours. Je lui ai cité l’exemple de l’Auteur de la Tragédie du siège de Calais nouvellement reçu Académicien, quoiqu’en vérité les deux Actes de sa pièce que je suis venuë à bout de lire ne sont pas écrit dans la langue française que je suis accoutumé de lire dans Vos écrits.

Vous vous étonés de mes empletes de tableaux, je ferais mieux peut être d’en acheter moins, mais des occasions perdues ne ce retrouvent plus, mes deniers d’ailleurs ne sont point confondus avec ceux de l’état, et avec de l’ordre un grand état vient à bout de tout, je parle par expérience. Je Voudrois parier que la France n’a pas le sous, non parce qu’elle manque d’argent mais parce qu’elle manque ou a manqué d’ordre. Je m’aperçoit que ma lettre devient trop longue. Je finis en Vous priant de me continuer Votre amitié, et d’être persuadé que si la paix n’a point lieu, je ferai tout mon possible, pour Vous doner le plaisir de voir Moustapha encore mieux accomoder qu’il ne l’a été déjà. J’espère que tous les bons Chrestiens s’en réjouiront avec nous, et que de façon ou d’autres ceux qui ne le sont point se rangeront à la raison par des démonstrations aussi convainquante que celles de deux et deux font quatre.