1771-12-09, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur, Par Votre lettre du 12 9bre je vois avec affliction que l’argent pour les fabriquants des montres ne Vous a pas encore été remis, et qui plus est que les pauvres gens en ont besoin.
Je ne sais à quoi attribuer ce retardement, qui me peine extrêmement. J’espère que cette lettre de change n’a pas été soustraite come celle que j’envoyois à Mr Diderot un jour et qui se perdit à la poste entre Paris et la frontière de France, toutes les autres postes avait le paquet marqué sur leurs cartes. On croyoit par là persuader les gens que je n’avais point d’argent. Mais à quoi peuvent servir des ruses aussi mesquines? si ce n’est à montrer la petitesse d’esprit et l’aigreur. L’Une et l’autre ne saurait produire ni estime ni considération. J’ai fait ordoner au Sr: Friderichs mon banquier, de prendre ses précautions.

Ma flotte a tant pris de magasins aux Turks à Negrepont, à Volo, à Cavalla, à Magria, à Lurci et dans plusieurs autres endroits, sans compter les prises sur mer, que j’ose croire qu’elle aura moins de disette que ceux qui se plaisent à Lui en supposer. Je veut bien croire qu’il lui faut plus de provisions qu’on n’avoit calculé d’abord, vu le nombre d’Albaniens qui ce joint à mes troupes, mais les dépêches que le dernier Courier m’a apportés de là il y a huit jours ne parlent point de manque de subsistance pour le présent.

Les Maladies de Moscow ont presque finie grâce au précautions prises et au froid. Le Cte: Orlof a déjà quité Moscow et fait sa quarantaine dans ses terres.

Pénétrés des marques d’amitié que Vous me donés, Vous ne doutés pas j’espère de toute ma reconoissance.

Caterine