ce 20/31 May 1771
Monsieur, Les Puissances du Nord Vous ont sans doute beaucoup d’obligations pour les belles Epitres que Vous leur avés addressés: je trouve la miene admirable, chaqu’un de mes jeunes confrères en dira j’en suis sûre autant de la siene.
Je suis très fâchée de ne pouvoir Vous doner en échange que de la mauvaise prose, je n’ai suë faire de ma vie ni vers ni musique, mais je ne suis point privée du sentiment qui fait admirer les productions du génie.
La description que Vous me faites du premier peuple de l’univers, ne donera de l’envie à aucun autre sur l’état présent des Welches. Ils crient beaucoup présentement sans ce me semble trop savoir pour quoi, à moins que ce ne soit par mode, celle-là dit-on quelquefois à Paris tient lieu de raison. On veut un Parlement. On en a un. La Cour a exilés les membres qui composoit l’ançien. Persone ne dispute au Roy le pouvoir, d’exiler ceux qui ont encouru sa disgrâce. Ses membres il faut l’avouer étoit devenu tracassier et rendoit l’état anarchique. Il paroit que tout le bruit qu’on fait ne peut mener à rien, et qu’il y a beaucoup plus de grands mots que de principes fondées sur des authoritées dans tout les écrits du parti opposé à la Cour. Il est vrai aussi qu’il est difficile de juger de l’état des choses à la distance dont je les vois.
Aparament que les Turks ne font pas grand fond sur les Canons du Sr Thott puisqu’ils ont enfin relâché mon Résident, lequel si l’on en peut croire les discours des ministres de la Porte doit ce trouver à l’heure qu’il est sur le territoire Autrichien. Y a t’il un exemple dans l’Histoire que les Turks ayent relâchés au milieu de la guerre le Ministre d’une Puissance qu’ils avoit offensé par une telle enfreinte du droit des gens? On diroit que le Cte: Roumenzof et le Cte: Orlof leurs ont un peu apris à vivre. Voilà un pas pour la paix, mais elle n’en est pas faite pour cela. L’Ouverture de la Campagne nous a été très favorable come Monsieur on Vous l’a dit; le général Major Weismann a passé le Danube à deux reprises, La première avec sept cens et la seconde avec deux mille homes, il a défait un Corps de six mille Turks, s’est emparé d’Iisakchi où il a brûlé les magasins enemis, le pont qu’on començoit à construire et les galères, frégates et bateaux qu’il n’a pas emener avec lui. Il a fait un grand butin et beaucoup de prisoniers, outre 51 Canons de bronze dont il a encloués la moitié et puis il est revenu sur cette rive çi sans que persone ne l’en empêche, quoique le Visir avec soixante mille home ce trouve à Babadagh, qui n’est qu’à six heures de chemin d’Isakchi. Si la paix ne ce fait point cette anée, n’oubliés point d’y faire plaçer une montre de Votre fabrique, que nous plaçeront ensuite à Ste: Sophie où elle fournira aux Antiquaires futurs sujet à quelques Dissertations savantes. Je ne doute point de la bontés de l’ouvrage des montres que Vous m’envoyés, Vous me feriés plaisir en me disant à qui elles sont addressée. Soyés assurés des sentimens que Vous me conoissés et portés Vous bien, du moins jusqu’au tems où Vos Ouailles començeront leurs prières pour Vous, car dès lors il n’est plus douteux que leurs prières si longtems rejettés ne soyent exauçée à Votre égard et Vous redeviendrés frais come une rose.
Caterine