1771-11-20, de François Félix Nogaret à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur, je ne sais trop comment, vous qui faites si bien obéir les matières les plus abstraites aux grâces de la poésie, vous pourrez supporter la musique d’un Goth, qui n’a pas craint de soumettre au joug de la rime la nomenclature indocile de tant de productions de la nature, toutes empruntées des livres scientifiques d’Adanson, et autres célèbres naturalistes.

Pour faire disparaître d’innombrables aspéritées de l’opuscule que j’ose mettre sous vos yeux, il m’aurait fallu cette lime douce que vous avez empruntée de Virgile et de Racine, et qui vous sert à polir tous vos travaux: mais vous ne la prêtez à personne. Voilà de l’égoïsme, monsieur! cachez bien vite ce gros vilain péché: soyez indulgent, vous le devez, puisque vous refusez de prêter vos outils.

J’ai l’honneur d’être,

F. Nogaret