1774-03-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Philippe Antoine de Claris, marquis de Florian.

L’octogénaire de Ferney est malade et ne peut écrire de sa main, le jeune Wagnière est malade et ne peut prêter sa main, il emprunte donc une troisième main pour demander comment on se porte à Montpellier.
Il subsiste de l’espérance de revoir les deux voyageurs au mois d’avril. Mr de Florian sait sans doute que Goëzmann et Beaumarchais sont jugés, et que le public n’est point content. Le public, à la vérité, juge en dernier ressort, mais ses arrêts ne sont exécutés que par la langue. Le monde a beau parler, il faut obéir.

La Chalotais obéit quand la maréchaussée le traîne en prison à Loches, à l’âge de soixante et quatorze ans, pissant le sang, écorché de gravelle.

Pour made de Montglat que la maréchaussée conduisait à Montpellier pour aller pleurer ses péchés dans un couvent, elle n’a point obéi. Elle a pris, pendant la nuit, un cheval de la maréchaussée même, et s’est échappée au grand galop en corset et en jupon, tenant d’une main sa boîte de diamants, et de l’autre la bride de son cheval. On croit que cette brave amazone se réfugie à Genève.

Le vieux malade n’a pas pu manger des perdrix rouges dont monsieur de Florian a régalé Ferney, mais made Denis, plus gourmande que jamais, les a trouvées excellentes. Elle voudrait bien que les deux voyageurs de Montpellier les eussent mangées avec elle au petit Ferney.

La poste part, il faut finir cette lettre et souhaiter le prompt retour des deux aimables voyageurs.