1771-02-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Catherine II, czarina of Russia.

Je reçois dans ce moment la lettre dont votre majesté impériale m'honore du 12/23 décembre.
Je me doutais bien que la lettre de l'ambassadeur d'Angleterre en Turquie était de l'imagination d'un pensionnaire de nos gazetiers. Je remercie plus que jamais vos bontés qui me fournissent de quoi faire taire nos badauds welches.

Quoi! ce brutal de Sardanapale turc veut encore faire une campagne? Ah! madame, dieu soit béni! Il ne vous faudra qu'une seule victoire sur le chemin d'Andrianople pour détrôner cet homme indigne du trône, et que j'ai entendu vanter par quelques uns de nos Welches comme un génie. Mais où ira-t-il? Voilà un Ali-Bey ou Beg qui ne le recevra pas dans le pays d'Osiris. Voilà un Bacha d'Acre qui se révolte. Il y a une destinée. La vôtre est sensible. Votre empire est dans la vigueur de son accroissement et celui de Moustapha dans sa décadence. Le chevalier du Tot ne le sauvera pas de sa ruine.

Je me mets aux pieds de votre majesté impériale plein de joie et d'espérance avec le plus profond respect et la reconnaissance la plus vive.

L'hermite de Ferney