1771-01-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Antoine Casimir Ethis de Novéan.

Je vous souhaitte, Monsieur, une très bonne année, et nonseulement de ma part, mais de celle de douze mille hommes, qui m’ont chargé de vous suplier de leur faire tout le bien que vous pourez.

Vous vous doutez bien que ce sont les esclaves de Monseigneur St Claude. Ce Saint est un rude homme, il veut être servi; encor si c’était un consul romain. Mais jamais les anciens romains n’ont réduit les nations en servitude. Vous savez qu’ils ne connaissaient point l’esclavage de la glêbe; c’est une invention de nôtre charmant gouvernement féodal; mais st Claude n’a nul tître, et pourvu qu’il ait des compagnons en paradis il doit être content.

C’en est trop de vouloir charger douze mille hommes de chaines. Il n’y a que le diable à mon avis qui puisse avoir de telles prétentions. Je donne donc st Claude au diable, et je vous suplie très instamment, Monsieur, de vouloir bien emploier pour douze mille hommes nos semblables, vôtre éloquence et vôtre crédit. Vous aurez par là à vôtre dévotion une très jolie armée, composée de gens bien faits.

Pour moi, comme je compte bientôt aller trouver là haut Monseigneur st Claude, je vous promets que je lui dirai son fait.

Je présente mes très humbles hommages à Monsieur et à Madame De La Coré.

J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire