1770-11-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Quoi! Madame, vous daignez vous souvenir de moi! Savez vous bien que c’est une des plus grandes consolations que j’éprouve dans ma vieillesse et dans ma retraitte?
Que de choses tristes, funestes, étonnantes, ridicules, extravagantes arrivées depuis que je ne vous ai fait ma cour! Je regreterai jusqu’à mon dernier moment votre amitié et votre société. Vous devez être aussi heureuse qu’on peut l’être dans ce monde entre Mgr le Prince Charles et Madame la Princesse. Puissent-ils tout deux faire longtems le bonheur d’un païs où ils sont adorés! Puissiez vous passer tous vos jours auprès d’eux, aulieu de ne leur donner que six mois dans l’année!

Je me suis fait une assez agréable retraitte, mais vous y serez toujours l’objet de mes regrets. J’ai sans cesse présent à l’esprit le tems heureux où vous daigniez m’assurer d’un peu d’amitié. Conservez moi, Madame, des bontés qui font le charme de mes derniers jours; et soiez bien persuadée du très respectueux et inviolable attachement avec lequel j’ai l’honneur d’être, Madame, Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire