à Ferney par Geneve 21 juin 1766
Madame,
Votre Altesse sérénissime sait que mon état me permet bien rarement d'écrire.
Elle daigne y compatir. L'occasion qui se présente, me rend un peu de force. Il s'agit de faire du bien, de secourir des innocents infortunez et de désarmer la superstition. Qui sera à la tête de cette entreprise, si ce n'est madame la duchesse de Saxe Gotha? Daignez lire ce mémoire madame, et votre cœur généreux sera touché.
Permettez que votre auguste nom honore la liste des princes qui veulent bien secourir la famille dont j'ay dû prendre les intérêts. La société humaine bénira tous ceux qui daigneront favoriser une si juste cause.
La ville de Geneve à la quelle votre altesse se a paru s'intéresser est toujours dans le même état. Elle attend que les médiateurs décident de sa destinée, et qu'ils luy donnent des loix, puis qu'elle n'a pas sçu s'en donner elle même. Rien n'est plus divisé et plus tranquile que cette petite république. Les deux partis ennuient leurs juges par des mémoires très longs et très embrouillez. L'animosité et la haine sont respectueuses et honnêtes. Ce sont des plaideurs acharnés qui plaident poliment. Ils ne sont pas assez puissants pour s'égorger.
Il en est à peu près de même dans le duché de Virtemberg. C'est tout le contraire madame dans vos états, tout y est tranquile parce que vous y êtes adorée.
Je me flatte madame que votre santé s'est rafermie dans le printemps et que vous êtes toujours aussi heureuse que vous méritez de l'être. Toutte votre auguste famille contribue à votre félicité. Je fais toujours mille vœux pour elle. Je n'oublie jamais la grande maîtresse des cœurs. Daignez me conserver des bontés qui font la consolation de mes derniers jours, et que votre altesse sérénissime daigne agréer le profond respect et l'attachement inviolable que je lui conserverai jusqu'au dernier moment de ma vie.
V.